1h40 du matin, face à la grande scène du Festival du Bout du Monde, j’attends sagement comme des milliers de festivaliers qu’un Fakear nous fasse vibrer. L’ambiance est joyeuse.
Ils n’attendent qu’un, leur jeune maître du Trip Hop accompagné de musiciens, violoncelle, batterie, clavier… pour un concert unique. Il arrive et très rapidement ses fans se délectent de son envoûtante musique World. Fakear nous réserve, en première classe, un voyage sans escale empruntant des sons, des instruments de pays lointains. Voilà, j’ai ressenti cette osmose parfaite autour de moi. Nous étions partis loin… déjà très loin.
Avant son concert, j’ai eu la chance de le rencontrer, au calme dans sa loge, pour lui poser quelques questions :
Pour cette première au Festival du Bout du Monde, comment te sens-tu ? Je suis arrivé il y a une heure… je ne sais pas encore comment je me sens vraiment, mais ça va. C’est cool d’être là.
Quel est le sens de FAKEAR ? Ma musique est virtuelle comme un Fake, de la musique sur ordinateur. Lorsque je me suis lancé, mes potes m’ont dit « Tu fais de la fausse musique. Tu n’as pas un bout de bois tendu entre les mains ! ». C’est devenu une vanne, une auto vanne… tu vois Fake Ear…
Comment tu vis cette ascension plutôt rapide ? Je le vis couci-couça. C’est agréable. Ça fait beaucoup de bien à l’ego mais ce n’est pas humain. On cherche toujours un équilibre et la reconnaissance des gens que l’on aime. Il y a un truc sain ou malsain qui se met petit à petit en place. Cela bouleverse complètement toutes nos normes. Même si c’est agréable de se faire beurrer la tartine de temps en temps, il faut vite le désacraliser ! Ne pas confondre les relations que l’on a à travers le projet, avec les relations que l’on a dans la vie. C’est quelque chose d’assez compliqué à gérer.
Tu es effectivement passé de ta chambre à de grandes salles de concert… ton public t’apporte beaucoup. Oui c’est vrai, ça me met vraiment en confiance ; le public acquiesce, il m’encourage énormément, me donne envie d’aller plus loin.
Les pochettes de tes EP comme Dark Lands représentent des paysages assez froids, plutôt mélancoliques… tu es quelqu’un de réservé ? Non pas du tout, je suis quelqu’un de plutôt joyeux, au contraire. C’est plus un rapport avec la beauté des paysages et non la tristesse.
Tu te nourris de ces paysages, et aussi de voyages, ton style a-t-il évolué ? Oui tout à fait. Je me sens de plus en plus en adéquation face à l’image de FAKEAR et face à ce que je produis. C’est un peu compliqué d’être toujours spontané. Ma technique est de me payer des murs… je vais créer un concept, je le pousse jusqu’au bout… parfois me prendre un mur pour finalement faire demi-tour et me dire que je n’ai pas géré à ce moment-là.
J’ai été touchée par « Morning in Japan ». Dans le clip un couple danse, peux-tu me parler de cette histoire d’amour ? C’est le rapport avec la mort plus qu’une histoire d’amour. On voit qu’ils s’aiment, puis elle s’en va. Tout ceci est proche de la croyance animiste.
Mais quel est le rapport avec la culture japonaise… il n’y en a pas dans Morning in Japan. Dans Morning in Japan, ce sont plus les sons et les voix qui m’ont touché. Ces genres de timbres, cette musique, je les trouvais beaux. Je l’ai appelé spontanément Morning in Japan. Mais le clip veut dire autre chose.
Avec ton dernier EP « Asakusa », encore et toujours tourné vers le Japon ? Oui carrément. Ce dernier EP est vraiment lié à mon voyage au Japon. Ce voyage a changé des choses… vraiment, ça a changé ma manière d’appréhender l’esthétique. J’ai été ébranlé par la culture japonaise mais je ne l’ai pas utilisée, ça m’a remis en question artistiquement parlant. Mon EP s’appelle Asakusa en hommage à cette esthétique. Cela dit, les titres que je produis actuellement sont moins influencés par le Japon.
Mais si ça se trouve je vais m’intéresser de nouveau à une chanson japonaise et avoir envie de l’utiliser. Je me laisse emporter au gré…
Merci Fakear pour cet échange. J’ai été aussi emportée par ta musique… Magique sans être un fake.
Interview réalisé par la jupette de jeannette